Innovation liée à l’intelligence artificielle : un élément clé de votre stratégie de propriété intellectuelle

L’intelligence artificielle (IA) est aujourd’hui au cœur des préoccupations médiatiques, et c’est aussi un formidable moteur de l’innovation. La recherche académique fait très régulièrement apparaître de nouveaux modèles de réseaux neuronaux, et parallèlement l’IA se diffuse toujours davantage dans des secteurs industriels aussi divers que la santé ou l’agroalimentaire pour donner naissance à des applications toujours plus nombreuses et variées.

Comment protéger ces innovations ?

Premier réflexe : le droit d’auteur

Comme pour le logiciel en général, la protection par le droit d’auteur s’impose souvent aux esprits lorsqu’il s’agit de chercher à protéger une innovation mettant en œuvre une IA. Toutefois, même s’il peut permettre de se prémunir contre la copie du logiciel, le droit d’auteur peut ne pas offrir une protection suffisante.

Tout d’abord, par nature, le droit d’auteur ne peut protéger qu’une expression d’un concept : tout comme en littérature ou dans l’industrie cinématographique, il protège l’œuvre mais non son idée ou son « pitch ». Le droit d’auteur va donc protéger le code informatique mais pas les idées, les concepts, les algorithmes, etc., même si ceux-ci peuvent être novateurs par rapport à l’existant. Il ne permet pas non plus d’éviter qu’un tiers ne développe de son côté un produit logiciel reprenant ces idées, dès lors qu’il n’a pas repris le code informatique.

Un autre risque réside dans une tendance jurisprudentielle à durcir le critère d’originalité nécessaire pour que le droit d’auteur soit conféré à une œuvre. Ce critère impose que l’auteur ait imprimé sa marque personnelle sur l’œuvre. Dès lors que le développement du logiciel est uniquement guidé par des considérations d’ordre technique, le juge peut ne pas reconnaître une protection par droit d’auteur. Il faut pour ce faire qu’au contraire l’auteur ait exprimé sa personnalité, sa « patte artistique » dans le code informatique.

Le brevet, une meilleure solution ?

Le brevet vise justement à protéger des solutions techniques à un plus haut niveau que le code informatique. Dès lors quiconque reprend l’invention protégée, même en développant son propre code informatique, est susceptible d’être contrefacteur du brevet.

Toutefois, le brevet ne peut protéger que des inventions techniques, par opposition notamment aux concepts mathématiques ou trop abstraits. Or, essentiellement, un réseau de neurones est un modèle mathématique et échappe donc, en général, au domaine de la brevetabilité. Malheureusement, trop de décideurs en restent là et ne poursuivent pas davantage la voie du brevet.

Pourtant, l’application de ce modèle mathématique à des cas concrets peut conférer à l’innovation ce caractère technique nécessaire à la protection par brevet. Ainsi, pour schématiser, appliquer un réseau de neurones à des données de métabolomique, d’imagerie médicale, d’un capteur hydrométrique, d’une mesure d’un signal électrique vont apporter ce caractère technique, de même que si les résultats des prédictions du réseau de neurones actionnent une machine, commandent une vanne d’irrigation ou pilotent une culture alimentaire en laboratoire.

Bien évidemment, les deux critères classiques de la brevetabilité continuent de s’imposer : il faut que l’invention soit nouvelle et non-évidente par rapport aux publications existantes.

Une troisième voie : la protection des bases de données

Les brevets ne peuvent toutefois pas protéger tous les investissements en recherche et développement. C’est notamment le cas des données d’apprentissage qui en général ne forment pas une « solution technique à un problème technique » au sens des brevets.

Celles-ci peuvent être toutefois appropriables par le droit sui-generis sur les bases de données. Ce droit est accessible dès lors qu’un investissement substantiel (humain, financier…) est effectué pour collecter un ensemble de données. Dans la mesure où un tel effort est effectivement réalisé pour, par exemple, étiqueter des données d’apprentissages en vue d’entraîner un réseau de neurones, ces données devraient pouvoir être protégeables par ce droit spécifique.

Quelle place pour la France dans la protection de l’innovation associée à l’IA ?

Différents mécanismes juridiques existent donc pour assurer une protection de l’innovation liée à l’IA. La part grandissante de l’IA dans la R&D fait que la maîtrise de ces outils a un impact sur la compétitivité des entreprises et instituts de recherche.

On assiste ainsi depuis les années 2012-2014, qui correspondent à la « victoire » des réseaux de neurones profonds sur d’autres mécanismes d’intelligence artificielle, à une explosion quasi-exponentielle du nombre de demandes de brevets dans ce domaine.

Mais ces brevets sont majoritairement issus d’entreprises ou d’universités asiatiques et des Etats-Unis.

Il est donc crucial que les entreprises et centres de recherche français s’emparent également des outils de la propriété intellectuelle, et notamment des brevets, pour protéger leurs innovations et en faire un atout concurrentiel.

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Sylvain Chaffraix

Un papier d'expert écrit par

Sylvain Chaffraix
Conseil en Propriété Industrielle - Mandataire en Brevets Européens